Nécrologie: Ahmed AHAMED, citoyen du monde s’en est allé
Ahmed Ahmed, 50 ans, n’est plus de ce monde. Il est décédé le 24 Septembre dernier à Conakry en Guinée, en Afrique de l’Ouest. C’était avant tout un homme humble, généreux et charismatique. Le regard vers le ciel. La tête en avant. Une démarche déterminée et un sourire permanent. Des propos remplis d’espoirs et d’ambitions. Ahmed avait toutes les caractéristiques d’un leader.
Une enfance ensoleillée
Aîné d’une fratrie de sept enfants, né à la Réunion, Ahmed vit principalement en métropole, à Sarcelles, une ville située en banlieue parisienne où il découvre la solidarité et l’entente à travers le sport avec son frère Omar et son ami d’enfance Hachim. A partir de Sarcelles, Ahmed commence à comprendre les Comores, le pays natal de ses parents, par le biais des rencontres familiales.
A 11 ans, en vacances avec ses frères et sœurs à la Grande Comore (Ngazidja), Ahmed montre d’emblée son envie d’être avec les autres. Il découvre l’agriculture, la mer, la nature tout en étant à l’écoute active. C’est ainsi qu’il se fait de nombreux amis. A Moroni, la capitale, ses cousins maternels l’apprécient pour, sa vitalité, son dynamisme et son audace. Au village natal de ses parents, à Samba M’bodoni, les jeunes l’admirent pour sa simplicité et sa gentillesse.
Une influence afro-américaine
En 1990, il a 19 ans et vient d’obtenir son baccalauréat à Sarcelles. De fait, l’été suivant, il se rend à nouveau en famille en vacances aux Comores. Il décide de créer le groupe Zulus, un groupe de rap composé de danseurs et de chanteurs de toirab (la musique traditionnel) notamment.
Ce groupe de rap est le premier du genre aux Comores. C’est l’ère des cassettes audio. Ahmed est influencé depuis quelques années par la musique américaine. Il baigne dans le Hip Hop, le Rhythm and Blues (R&B). Ahmed lit la presse spécialisée afro-américaine. Il réunit dans le village de Samba M’bodoni des jeunes issus de sa famille paternelle et maternelle pour la plupart avec un objectif : dépasser les préjugés par la production de chansons à messages.
Sur fonds musical rythmé, les zulus sillonnent Ngazidja en voiture, mais aussi à pied. Leur joie de vivre est communicative. Les zulus impressionnent et intriguent. Des phrases insolites sont filmées par une caméra mise à disposition pour le groupe par Ahmed. « Je suis journaliste, filmez-moi ou qui sont ces jeunes ? » sont les phrases qui reviennent lors des passages du groupe Zulus. Le groupe est soutenu par la famille Ahamed. Des vêtements sont confectionnés par la mère d’Ahmed pour les Zulus. Un uniforme, une joie de vivre et des principes : les zulus ne doivent ni boire d’alcool, ni fumer.
Intègres, ils marquent leur époque aux Comores. Ils se produisent gratuitement au Club des Amis à Moroni, à l’aéroport Prince Said Ibrahim à Hahaya, mais aussi à la plage de sable blanc, Maloudja ( dans le nord de l’île). Ahmed fait preuve d’altruisme en laissant le groupe aux Comores se développer par une nouvelle approche de la culture et de l’identité par la musique.
De Sarcelles aux Comores
En 1994, à Sarcelles, il décide, accompagné de ses frères et sœurs, mais aussi de ses cousins et de quelques amis, d’organiser la fête d’indépendance des Comores, avec l’appui de l’ambassade des Comores à Paris. C’est une première et une réussite et le début d’une série de journées culturelles au sein de la diaspora comorienne. L’année suivante, le groupe Zulus finit par se disloquer bien qu’ayant réussi à s’affirmer individuellement.
De la musique aux projets liés à l’environnement
Ahmed est alors à l’université de Saint-Denis et poursuit des études de communication. Il fait la rencontre de Sophie et Kamel, deux étudiants séduits par l’enthousiasme du jeune homme et par sa faculté à présenter des projets novateurs. En 1996, il crée l’association Hip Hop Generation à Sarcelles chez ses parents. C’est le temps des réunions à n’en plus finir. Des contacts de plus en plus importants sont établis. Ahmed organise des journées et des concerts dans des lieux mythiques tels que le New Morning à Paris. Il se rend à plusieurs reprises aux Francopholies de la Rochelle. Il voyage au Canada et aux Etats-Unis.
Fort de sa renommée, Ahmed se rétracte et ne saisit pas les opportunités. Par conviction, dira-t-il sans précision aucune. Derrière cette apparente ouverture, se cache un homme réservé. Durant plusieurs années consécutives, Ahmed est à l’initiative d’une multitude de projets ambitieux, mais il n’est pas celui qui les exécute.
En 2016, il propose en France aux jeunes de la diaspora comorienne du village de Samba M’bodoni d’aider à l’électrification du village par un projet sur l’énergie solaire. Le village ne soutient pas l’action. Le projet finira pourtant par aboutir en partie en 2021 par l’éclairage d’un quartier en énergie solaire. Il y a quelques mois, Ahmed, chef d’équipe à la RATP en France, évoque son envie de travailler dans l’agriculture aux Comores. Il souhaite accompagner sa mère dans le développement de son entreprise Mafamema à Samba M’bodoni et ouvrir un poulailler. En vacances au mois de septembre dernier à Conakry, Ahmed s’en est allé laissant derrière lui trois enfants. Paix à son âme.
Par Houmi Ahamed-Mikidache