À Lima, au Pérou, ce 1er décembre, la Société civile du Nigeria a fait entendre la voix de l’Afrique à la Convention sur le changement climatique.
Par Houmi Ahamed-Mikidache
À la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC), la Conférence des parties (COP) au protocole de Kyoto se retrouve pour sa dixième session pendant deux semaines et ambitionne d’asseoir un texte facilitant un accord contraignant à Paris en 2015. Créé en 2008, lors de la COP 14 à Poznan, le Réseau panafricain pour la justice climatique (PACJA) comme son nom l’indique oeuvre pour l’équité face au dérèglement météorologique. Il se base sur un des principes d’égalité présenté dans la convention de l’ONU sur le climat. Pour y parvenir, ce réseau continental de 1 000 ONG travaille en étroite collaboration avec les ONG du Nord comme Oxfam Amerique (depuis 2010) et du Sud telle que Enda Sénégal. Depuis la COP 14, PACJA sillonne le monde, oeuvre pour le développement et milite pour l’équité, le dialogue international sur le changement climatique, la justice pour tous, l’intégrité, la transparence et la responsabilité.
À Lima, Samson Ogallah, le gestionnaire de programme de PACJA, organise son réseau pour défendre la position africaine dans les discussions. « Ensemble, avec les partenaires, nous militons pour trouver une solution », explique-t-il lors de l’ouverture, en marge des travaux. PACJA est membre et partenaire de « Climate Justice Now », une alliance d’ONG qui se bat elle aussi pour la justice climatique. En juin 2013, lors d’un atelier, PACJA impulse la création d’un réseau de journalistes panafricains dédiés à cette cause (PAMACC). PAMACC a été créé dans la vision d’améliorer la couverture sur le changement climatique avec des coordinateurs pour chaque région. Conscients que le changement climatique est une menace existentielle et que cela peut aussi être une opportunité pour le développement, PACJA et PAMACC s’engagent à montrer l’Afrique sous un autre angle, l’angle de la prise de conscience et de l’action.
Une volonté de voir l’Afrique différemment
« Nous pensons qu’il faut changer l’image de l’Afrique par les médias au niveau international », affirme Atayi Babs, 36 ans, journaliste du Nigeria spécialiste de l’environnement depuis 2007. Et cet ancien responsable du service Haoussa, de RFI multimédia entre 2007 et 2013, d’ajouter : « Nous vous faisons part de notre volonté d’être à vos côtés, à chaque fois que vous sollicitez notre présence et nos services professionnels de manière formelle. » Des propos tenus il y a quelques mois à Marrakech lors de la clôture de la CCDA-4.M. Babs s’exprimait au nom du Réseau de journalistes panafricains pour la justice climatique (PAMACC). C’est le coordinateur de l’Afrique de l’Ouest de ce réseau, mais c’est aussi le coordinateur du Réseau national du climat et du développement durable au Nigeria (CSDEVNET)*.
Le Nigeria face à la corruption
Dans un récent rapport présenté par l’ONG Transparency international, le Nigeria est cité comme l’un des pays les plus corrompus au monde, classé au 136e rang sur 175 pays. « La corruption est tellement omniprésente dans le gouvernement et au sein des organisations », souligne le journaliste engagé. Les trois principaux producteurs de pétrole, Shell, Exxon Mobil et Chevron, sont selon lui responsables de la pollution dans les villages au Nigeria. « Ces trois compagnies influencent le gouvernement. Ils ont des bons contacts et ces contacts cachent la vérité aux journalistes », précise-t-il. D’après M. Babs, ces producteurs de pétrole souhaitent aussi soudoyer les journalistes. Le journaliste couvrant les questions d’énergie au Nigeria est menacé s’il n’accepte pas des « pots de vin ». Mais ces menaces ne font pas peur à ce polyglotte (il parle le russe, le haoussa, l’anglais et le français) et à son réseau national de 55 journalistes spécialisés connus sous le nom de « journalistes sur le changement climatique ».
« Nous sommes partis il y a deux mois dans la plus grande source d’eau dans le sud du Nigeria dans l’État d’Akwa Ibom [Delta du Niger], pour analyser l’impact de la production de gaz par Mobil sur les communautés », souligne-t-il. Et le jeune homme, habitué du travail communautaire, ancien membre pendant 15 ans du Rotary International, a constaté que l’eau est souillée. « Nous ne pouvions pas laver nos mains ni boire cette eau, clairement polluée ! » s’exclame-t-il. Et d’ajouter : « Mobil n’a pas souhaité parler aux journalistes. » En 15 ans d’activité dans cet État, Exxon Mobil, selon M. Babs, ne fournit aucun moyen de prévention ni de protection aux communautés environnantes. Les femmes et les enfants sont les premières victimes.
Le delta du Niger est le second plus grand delta au monde. D’après un communiqué de presse publié en septembre dernier par la Fondation pour l’environnement des droits des défenseurs pour le développement (FENRAD)*, les statistiques montrent qu’environ 168 milliards de gaz naturel sont actuellement brûlés dans le monde, et 13 % viennent du Nigeria. Cette exploitation de gaz contribue au changement climatique et à des conditions météorologiques extrêmes entraînant entre autres l’érosion côtière