INTERVIEW. Alors que François Hollande et Mohammed VI signent l’Appel de Tanger pour la COP21, la ministre marocaine de l’Environnement s’est confiée au Point Afrique.
Le 4C a-t-il aussi pour ambition de favoriser le partenariat Sud-Sud ?
Quand je suis partie à Lima [la conférence de l’ONU sur le climat en 2014], j’ai pensé que mettre notre expertise à la disposition de nos compatriotes africains rendrait service à notre continent. Cette idée a été applaudie par nos compatriotes africains et nous avons commencé à y travailler. Nous avons donc ouvert les formations aux techniques de négociations aux autres négociateurs africains. Ensuite, la vision s’est développée et, avec nos partenaires, nous envisageons de créer un centre de compétence, une plateforme d’échange de savoir-faire, de renforcement des capacités et de travail sur la législation. Dans le cadre du 4C, nous travaillons sur l’approche méthodologique afin que nos partenaires [d’Afrique] puissent préparer eux-mêmes leur contribution. Parce que faire une contribution, ce n’est pas facile, aussi n’est-ce pas un hasard si les pays mettent du temps à définir les éléments de leur contribution et les présenter. Il s’agit en fait de passer d’un secteur à un autre, de faire des analyses, des calculs aussi.
On se dirige vers la COP21, à partir de quel moment pourra-t-on dire que la COP est bien partie pour atteindre ses objectifs ?
Je peux vous dire que Paris est déjà un succès. Pourquoi ? Parce qu’avant, quand on venait négocier dans des COP, la question était surtout de chercher le responsable de la pollution et de lui demander de payer pour ses erreurs. Aujourd’hui, la dynamique est nouvelle. On est dans une autre trajectoire. Les pays pollueurs reconnaissent leur responsabilité historique. Ils disent : « Nous sommes disposés à financer et accompagner les pays les moins développés, afin qu’ils soient outillés pour lutter contre les changements climatiques. » Deuxième chose, on a décidé à Varsovie [Conférence de l’ONU sur le climat en 2013] que l’enjeu climatique était un enjeu humanitaire. Autrement dit, l’enjeu climatique ne concerne pas seulement les pays industrialisés ou les pays vulnérables, il concerne le monde entier. C’est un enjeu humanitaire et tout le monde doit contribuer. Soit pour aider les pays les plus vulnérables et les moins avancés à faire face au changement climatique, soit à s’armer de technologies sobres en carbone, pour se développer, et pour éviter les erreurs faites par les pays industrialisés. Cela dit, tout ne se fera pas à Paris. Nous sommes sur une trajectoire qui va nous permettre d’atteindre l’objectif des 2 degrés à court et moyen terme, parce qu’il ne faut pas oublier qu’il y a l’innovation. Nous avons des intelligences qui portent l’innovation au niveau mondial. Je pense donc qu’avec la mobilisation, avec l’innovation, avec la bonne volonté, avec beaucoup d’humain, nous allons relever les défis qui se présentent à nous.
Le continent africain peine à obtenir des financements climatiques. Le fonds vert pourrait être la solution mais seuls 10 milliards ont été promis à ce jour par 35 pays. Pouvez-vous situer l’enjeu financier dans tout ça ?
L’enjeu financier est extrêmement important. Il est même décisif. On peut signer tous les accords mais s’il n’y a pas d’argent et de signal fort à la communauté internationale, les COP vont être décrédibilisées. Les finances peuvent libérer toute cette énergie latente qui ne demande qu’à être utile. C’est très important qu’il y ait des signaux forts à commencer par ceux de la France. L’Allemagne a fait une déclaration et promet 2 milliards de dollars. La France devrait faire de même. Les États-Unis aussi. Tous les pays industrialisés devraient faire de même. C’est un signal extrêmement important pour les populations les plus vulnérables. Innover dans le financement va être une nécessité à côté de l’accord. Celui-ci devrait préparer le terrain pour dire que d’autres mécanismes financiers sont les bienvenus.
NB : Le Maroc, pays hôte de la COP22, organisera prochainement une conférence sur les contributions nationales à Rabat, les 12 et 13 octobre.