INTERVIEW. Chargé de programme à l’Institut de la Francophonie pour le développement durable, Arona Soumaré est aux premières loges dans les négociations africaines de la COP21.
Propos recueillis par Houmi Ahamed-Mikidache
(Le Point Afrique)
Le Point Afrique : Que pensez-vous de l’accompagnement des États africains par l’Agence française de développement (AFD) et Expertise France, le programme des Nations unies pour le développement (Pnud), le GIZ de la coopération allemande… ?
Arona Soumaré : Les contributions nationales* également appelées CPDN (pour contributions prévues déterminées au niveau national) sont un test de bonne foi pour vérifier le souci d’agir pour le climat. Le Vietnam, d’où je reviens, a d’ailleurs prévu de préparer deux versions de sa contribution nationale. L’une, courte, pour servir de présentation à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, et une autre, plus longue, pour contenir davantage d’analyses techniques et d’options politiques, qu’il soumettra pour examen aux différents ministères et décideurs au niveau national. L’accompagnement des partenaires est une bonne chose compte tenu de la complexité des tâches demandées à certains pays, et du délai très court pour livrer une contribution. Il appartient aux pays de vraiment définir la nature de leurs besoins en fonction de leur niveau d’expertise au niveau national, des données qui existent pour les États de référence. Il ne faut pas aussi oublier que ce n’est pas seulement un exercice technique. Il y a aussi le processus multiacteurs qui doit impliquer la société civile et le secteur privé. Je pense aussi qu’il faut voir les CPND comme un processus d’engagement de TOUS les pays plutôt que comme une finalité à court terme. Au-delà des questions actuellement sur la table sur comment l’agrégation des données va se faire ; sur le niveau d’ambition des uns ou des autres par rapport à l’objectif des 2 degrés ; si on arrive à un processus transparent par lequel les pays peuvent, à l’avenir, augmenter l’ambition de leurs engagements, sans avoir à renégocier tout le paquet de Paris, ce sera déjà un grand pas.
Pensez-vous, comme certains chercheurs africains, que le processus des contributions nationales devait être fait de manière globale, au niveau de l’Union africaine ?
Il faut dire que ces contributions sont aussi un acte de souveraineté pour chaque pays. Je pense que le contexte temps ne se prête pas à un exercice régional. Cette question a été soulevée lors de notre atelier à Haïti dans le contexte de Caricom (la Communauté caribéenne) et de la nécessité de gérer à l’échelle régionale certains aléas climatiques. Elle a été aussi posée en Asie-Pacifique et en Afrique, car certaines mesures d’adaptation doivent se faire, soit à l’échelle écosystémique, soit de manière transfrontalière pour être efficaces par exemple, la gestion des pêcheries, des bassins versants fluviaux ou forestiers).
Est-il facile pour l’Afrique d’avoir une vision de développement durable sur le long terme ?
Cela me paraît très, très ambitieux. Je pense qu’à ce stade les contributions nationales esquissent des trajectoires de développement qui devront, dans le cas des pays en développement, répondre à la fois aux besoins d’atténuation mais aussi et surtout d’adaptation et de développement économique et social à court et moyen terme. Il me semble qu’il faut les articuler aux possibilités de financement, surtout après 2020 pour pouvoir envisager le long terme.
* Il existe un guide d’information sur les contributions nationales édité par le groupe des négociateurs africains, sous l’égide de la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique. Il comprend des explications sur les notions présentées dans le texte et récemment approuvées par les coprésidents de la plateforme en charge du changement climatique à l’ONU. Ces notions sont l’atténuation, l’adaptation, la finance, le développement et le transfert technologique, le renforcement des capacités et la transparence. Ce guide fait notamment référence à l’article 4 du texte adopté à Lima qui reprend la notion d’adaptation et d’atténuation. Pour le groupe Afrique, la mise en œuvre de leur financement est essentielle.