COP 28: La finance climat, nécessaire pour les familles d’agriculteurs – Rapport « Potentiel inexploité »- Climate Focus

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À la veille de la 28e Conférence des Nations Unies sur le changements climatique, prévue à Dubaï aux Emirats Arabes Unis du 30 novembre au 12 décembre prochain, Climate Focus, un centre de conseil international sur le climat et une alliance d’agriculteurs ont publié cette semaine un rapport intitulé « potentiel inexploité ». Ce rapport montre que les petits producteurs ne reçoivent que 0,3 % du financement climatique international, même s’ils produisent un tiers de l’alimentation mondiale.

Par Houmi Ahamed-Mikidache

Un jeune agriculteur dans une exploitation familiale dans le sud de la Grande Comores ( Comores).- Crédit Photo: Houmi Ahamed-Mikidache

Le 14 novembre dernier, Climate Focus, une société de conseil international en collaboration avec 10 réseaux d’agriculteurs représentants plus de 35 millions d’agriculteurs familiaux d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie et le Pacifique, ont publié un rapport intitulé  » potentiel inexploité », sur le financement climatique consacré au secteur de l’agriculture, la foresterie et la pêche. Seulement 11 % des financements publics internationaux pour le climat leurs étaient destinés, ce qui représente une moyenne de 7 milliards de dollars américains par an. Rien qu’en Afrique subsaharienne, les besoins financiers des petits exploitants sont estimés à 170 milliards de dollars par an. Ces données datent de 2021. 

Le rapport insiste sur les défis du changement climatique et l’importance des agriculteurs familiaux. « Depuis 2019, 122 millions de personnes souffrent de la faim. Nous devons mettre en place
des systèmes alimentaires résilients qui peuvent nourrir les gens dans un climat changeant, mais nous ne pouvons pas le faire sans agriculteurs familiaux », expliquent les auteurs du rapport. Les petites exploitations familiales de moins de deux hectares produisent un tiers de l’alimentation mondiale (32%),
tandis que les exploitations de cinq hectares maximum situées dans les pays en développement représentent plus de la moitié des la production mondiale de neuf cultures de base – riz, arachide, manioc, millet, blé, pomme de terre, maïs, l’orge et le seigle, qui produisent près des trois quarts du café et 90 % du cacao, rapportent les auteurs de l’analyse.

Des procédures d’accès au financement complexes  

Tableau extrait du rapport  » Potentiel inexploité »

En 2021, 19 % des financements climatiques publics internationaux pour l’agriculture, la foresterie et la pêche ont été utilisés pour soutenir des pratiques durables et résilientes, soit 1,6 milliard de dollars américains, indique le rapport. 80 % du financement de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche sont acheminés par les gouvernements bénéficiaires et les ONG des pays donateurs. L’analyse montre que les organisations d’agriculteurs familiaux ont des difficultés à accéder aux fonds en raison d’un manque d’informations sur la façon et le lieu où demander le financement, et aussi parce que les règles d’admissibilité et des processus de demande à la finance climat sont complexes. Les petites exploitations familiales n’ont reçu qu’un quart (24 %) des dépenses du secteur en 2021. 

Le rapport rappelle que les plus gros fournisseurs de financement climat sont les pays développés, et les institutions internationales telles que le Fonds pour l’Environnement mondial, le Fonds pour l’Adaptation, et le Fonds Vert pour le Climat. La finance climat est largement dispersée sous forme de dons et de prêts concessionnels. Mais, pour la société civile, le financement climat pour l’adaptation et l’atténuation doit passer par des dons. Les premiers bénéficiaires du financement climatique comprennent généralement les gouvernements nationaux ou infranationaux, des institutions de financement du développement, institutions de recherche ou organisations non gouvernementales (ONG) des pays donateurs ou des pays bénéficiaires. Ces institutions sont responsables de la gestion des versements aux bénéficiaires finaux. 

Les bénéficiaires

En 2021, les petites exploitations familiales de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche, n’ont reçu qu’un quart des dépenses du secteur soit 24%. L’Afrique, la même année, a reçu plus de la moitié du financement pour les pratiques durables, tandis que seulement 7 % ont été dépensés en Amérique du Sud et 2 % en Amérique centrale et dans les Caraïbes. Un total de 1,4 milliard de dollars américains a été consacré à des activités qui étaient principalement axées sur l’adaptation ainsi que 900 millions de dollars américains consacrés à des activités qui étaient principalement axées sur l’atténuation.

Le rapport précise également que 680 millions de dollars américains ont été dédiés à des projets d’atténuation et d’adaptation. Les principaux contributeurs à l’agriculture durable sont l’Allemagne, la Norvège, l’Union Européenne, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement qui ont dépensé collectivement 813 millions de dollars en 2021.  8,4 milliards de dollars ont été dépensés  dans le secteur de l’agriculture , de la pêche et de la foresterie soit environ la moitié des 16 milliards de dollars dépensés pour des projets dans le secteur de l’énergie. En 2021, seulement 2 % des financements publics internationaux pour le climat, soit 2 milliards de dollars américains, ont été alloués à des agriculteurs familiaux et à des communautés rurales. Cela représente environ 0,3 % du total des financements internationaux pour le climat. L’Union Européenne, l’un des plus grands bailleurs de fonds de l’agriculture durable, a orienté près de la moitié de ses dépenses de financement consacrées au climat vers des secteurs de l’agroalimentaire  conventionnel et industriel. Elle consacre seulement 2,7 soit 9, 16 millions de dollars américains aux projets liés à l’agroécologie.

Les auteurs  ont également constaté qu’il existe un manque de communication entre les organisations qui représentent les agriculteurs familiaux et les décideurs politiques sur l’alimentation et le climat. Au niveau national, les préoccupations et les propositions des agriculteurs familiaux sont rarement prises en compte par les gouvernements, tandis que l’admissibilité et les contraintes financières font qu’il leur est difficile de s’engager dans des forums internationaux tels que les Sommets des Nations Unies sur le Climat. 

Le rapport rappelle pourtant qu’il Il y a une prise de conscience croissante du besoin urgent de créer une alimentation plus résiliente et durable et reprend les récentes exhortations de la présidence de la COP 28. En prévision du Sommet des Nations Unies sur le climat à Dubaï, la présidence de la COP 28 encourage les gouvernements à s’engager à intégrer officiellement l’alimentation et l’agriculture dans les plans climatiques nationaux pour la première fois. Elle prône l’élargissement et l’amélioration à l’accès au financement international pour l’adaptation et la transformation des systèmes alimentaires. La COP28 devrait convenir d’un objectif mondial d’adaptation et d’un processus pour accepter de nouveaux objectifs de financement à l’horizon 2030 qui pourraient débloquer sur plus de soutien et de financement pour l’alimentation et l’agriculture, évoque le rapport. 

Les familles d’agriculteurs demandent aux gouvernements et  bailleurs de fonds de reconnaitre le rôle important des petits agriculteurs familiaux et appellent à la création de partenariats dans  la transformation du système alimentaire et de lutte contre le changement climatique. Ils réclament davantage de financement climatique et appellent l’Union Européenne notamment à jouer un rôle majeur dans la prise de décision sur l’alimentation et le climat.  

Qui sont les auteurs de l’étude?

Cette étude a été réalisée par Climate Focus, une société de conseil internationale engagée dans l’élaboration de politiques et de projets qui aident à lutter contre le changement climatique et un réseau d’agriculteurs formant plus de 35 millions de personnes. Cette analyse est basée sur les données de l’aide publique au développement (APD) liées au climat mises à disposition par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques ( OCDE).  

Le réseau d’agriculteurs comprend l’Association des agriculteurs asiatiques pour le développement rural durable ( AFA), la Confédération des Organisations de Producteurs Familiaux du Grand Mercosur ( COPROFAM), la Fédération des agriculteurs de l’Afrique de l’Est ( EAFF), L’association des Petits agriculteurs d’Afrique orientale et australe ( ESAFF), l’Union des agriculteurs du Maghreb et de l’Afrique du Nord ( UMNAGRI), le Réseau des Organisations d’agriculteurs et de producteurs d’Afrique de l’Ouest ( ROPPA), le Réseau des Organisations paysannes du Pacifique ( PIFON), la plateforme régionales des organisations des agriculteurs en Afrique Centrale ( PROPAC), le Programme de dialogue rural régional (PDRR), et le Forum rural mondial (WRF). 

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