A quelques jours de la fin des pourparlers, Era Environnement revient sur l’un des points de distorsion des négociations. Il s’agit du marché du carbone, perçu pour les industriels comme une opportunité d’intégration des solutions sobre en carbone , mais pour la société civile il est considéré comme une source d’accaparement des terres.
Que ressort-il des négociations sur le marché du carbone?
Alors que la fin des négociations approchent, les informations concernant la vente de terres africaines pour des compensations carbones fusent de part et d’autres. D’après des observateurs, les règles du marché du carbone de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique qui pourraient mettre un frein à ces accords ont empiré la situation du jour au lendemain . « À l’heure actuelle, les accords de compensation par pays au titre de l’article 6.2 de l’accord de Paris ne font l’objet d’aucun appel à la transparence, d’aucun contrôle et d’aucune conséquence », précisent ces observateurs vers 1h50 du matin ce dimanche 10 décembre.
Même son de cloche pour d’autres observateurs. « Les négociations concernant l’article 6.2 ce jour sont très complexes, et pourraient se conclure par un texte présenté demain » à prendre ou à laisser » rapportent ces derniers. Samedi après-midi, plusieurs acteurs de la société civile du continent africain notamment se sont rassemblés lors d’une marche à Dubaï pour demander la justice climatique et obtenir la sortie des énergies fossiles. Ils ont également protester contre le marché du carbone et les accords pris par plusieurs pays africains. A 10h30 ce dimanche, avant cette manifestation, Ephraim Mwepya, président du groupe des négociateurs africains, originaire de la Zambie, affirme à Era Environnement ne pas être habiliter à commenter les positions individuelles des pays. Répondant à Radio Era Environnement, Nnimmo Bassey, directeur de l’ONG nigérianne, Health of Mother Health (HOMEF), décrit la COP 28 comme un lieu de prédilection consacré à un énorme marketing autour du marché du carbone. Il évoque programme des Etats-Unis d’Amérique pour accélérer la transition énergétique dans les pays en développement, notamment au Nigeria, dans le cadre d’un programme de compensation carbone, Bassey s’élève contre cette initiative . » L’argent venant de ce secteur entraînera la perte de la souveraineté des terres appartenant aux communautés, elles en perdront l’accès et ne pourront plus avoir accès aux ressources que la nature leur donne », souligne l’activiste nigérian auteur de plusieurs ouvrages sur la destruction des ressources naturelles par les entreprises pétrolières dans son pays et en Afrique.
Gerald Prolman, président d’Everland, une entreprise américaine œuvrant dans le marché du carbone au Cambodge, au Kenya et en République Démocratique du Congo, présente au contraire le marché du carbone comme une opportunité pour moins polluer et développer des projets au niveau local. Pour lui, ce domaine est plutôt propulseur pour les communautés et pénalise les pollueurs. « Le crédit carbone pénalise le pollueur avec comme concept un prix de plus en plus élevé pour inciter les pollueurs à devenir plus efficaces et moins polluer », explique-t-il à Era Environnement .
Pour Erika Lennon, avocate principale du Center for International Environmental Law (CIEL), le marché du carbone manque de lisibilité et de régulation stricte . « Même après une année de scandales qui ont révélé l’échec généralisé et la fraude sur le marché du carbone, les négociateurs ne semblent pas avoir tiré de leçons. Les dernières propositions d’échange de droits d’émission de carbone en cours de discussion manquent de surveillance et de transparence. Les accepter serait une victoire pour les cow-boys carbone et une perte massive pour les gens et la planète », conclut-elle.
Par Houmi Ahamed-Mikidache