COP 28: La déclaration de Moroni adoptée- Qu’est-ce que cela signifie?
Après la conférence ministérielle sur l’économie bleue sur l’île Maurice en 2016 intégrant les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest, suivie en novembre 2018 de l’adoption de la déclaration d’intention de Nairobi sur l’économie bleue durable, sept États insulaires africains et cinq pays côtiers de l’océan Indien occidental ont adopté la déclaration de Moroni ce mercredi 14 juin intégrant de nouveaux éléments. Explications.
Par Houmi Ahamed-Mikidache
» Il est temps de faire émerger un modèle d’économie durable, intégrant les trois piliers du développement durable, que sont l’économie, le social et l’environnement », déclare ce mercredi à Moroni Azali Assoumani, président de l’Union des Comores, à la clôture des trois jours de conférence ministérielle.
La Zone de libre-échange continentale
Organisée au Comores du 12 au 14 juin, cette conférence, selon les ministres africains, permet de reconnaitre collectivement les spécificités des états insulaires africains et la nécessité de les intégrer dans les politiques, stratégies et cadres continentaux. Accompagnés par le président de l’Union des Comores, qui dirige cette année l’Union Africaine, ces ministres s’engagent à travailler en concertation pour le développement des chaînes de valeur de l’économie bleue à travers la zone de libre-échange continentale ( ZLECAF).
« Nous devons revoir la chaîne de valeur des pêches. Nous savons qu’aujourd’hui, la majorité de la pêche industrielle est en fait pratiquée par les Premières Nations, puisque ce sont des pays géographiquement très éloignés de l’Afrique. La plupart des pêches industrielles sont faites par eux. Il y a une énorme opportunité de développer des chaînes de valeur qui sont plus locales et qui peuvent être faites de manière durable fournissant de meilleurs résultats dans les économies locales. Cela aiderait également à nourrir le besoin croissant de protéines à base de poisson sur le continent africain en utilisant la zone de libre-échange continentale africaine », explique Jean-Paul Adam, ancien ministre des finances des Seychelles et Directeur de la technologie, du changement climatique et de la gestion des ressources naturelles à la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) sur le podcast « Your Voice », sur radio Era environnement.
Financer la Grande Muraille Bleue
A Moroni, les ministres africains affirment leur soutien à l’initiative de la Grande Muraille Bleue, née lors de la COP 26. Cette initiative a été lancée en 2021 par Thomas Sberna, coordinateur régional sur la résilience des côtes et des océans à l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Présentée dans la déclaration de Moroni comme une approche phare, transformatrice et collective, encourageant la résilience face au changement climatique, la Grande Muraille Bleue est aussi décrite comme une initiative emblématique du continent, menée et mise en œuvre par l’Afrique pour l’Afrique avec la collaboration des partenaires internationaux et d’autres états insulaires et côtiers, dans le cadre du deuxième plan décennal de mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine et de la décennie des Nations Unies pour l’océanographie au service du développement durable.
Le Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Kenya, Madagascar, Maurice, Mozambique, Sao Tomé-et-Principe, les Seychelles, Somalie, l’Afrique du Sud, la Tanzanie et les Comores affirment reconnaître le potentiel du concept de la Grande Muraille Bleue voisine ou sœur de la Grande Muraille Verte. Ils invitent le Fonds Vert Pour le Climat à mettre en place un programme d’appui en partenariat avec l’IUCN notamment. « Nous examinons la possibilité d’accroître les investissements dans l’écotourisme, en particulier dans bon nombre de ces pays qui se sont engagés à créer des aires marines protégées. Ces aires protégées peuvent avoir un énorme potentiel pour développer la perspective touristique en impliquant les populations locales », précise Jean-Paul Adam sur le podcast « Your Voice ».
Dans la déclaration de Moroni, les états insulaires plaident pour l’obtention des investissements publics et privés et des financements accrus dans des chaînes de valeur côtières et marines durables, à travers la promotion notamment de la pêche responsable, les infrastructures vertes, l’écotourisme, les énergies renouvelables, l’innovation bleue. Ils reconnaissent par ailleurs la nécessité de renforcer les systèmes d’alerte précoce multirisques dans les états insulaires africains. Pour faire face à la crise de la biodiversité et du climat, ces états soutiennent l’importance d’établir un réseau connecté de paysages marins et côtiers régénérateurs et inclusifs et affirment devoir protéger les écosystèmes marins et côtiers sensibles et interconnectés du continent.
Les ministres africains manifestent ainsi leur volonté commune de renforcer l’architecture institutionnelle de la Commission climat des îles d’Afrique, l’une des trois commissions climatiques reconnue par l’Union Africaine. Ils appellent à une meilleure coordination des institutions africaines qui promeuvent l’océanographie et soutiennent l’obligation du renforcement des expertises institutionnelles, régionales dans les science climato-océaniques en laissant la porte ouverte aux perspectives nouvelles de création d’instituts régionaux d’excellence intégrant les acteurs privés, publics et non étatiques.
« Deux millions d’emplois bleus d’ici à 2030 »
Les états encouragent la création de politiques et de mécanismes de mis en œuvre pour accélérer une croissance économique océanique inclusive pour le climat, la nature et les populations des états insulaires côtiers, qui soulignent-ils, a le potentiel de générer au moins deux millions d’emplois bleus et de bénéficier à un minimum de 70 millions de personnes dans les communautés insulaires et côtières d’ici à 2030, dans la région de l’Océan Indien occidental. De fait, pour ces états, il est important de favoriser le développement des Petites et Moyennes Entreprises, l’innovation et l’esprit d’entreprise permettant de créer des opportunités de développement pour les femmes et les jeunes, notamment dans l’économie circulaire.
La déclaration de Moroni conclut sur l’obligation par les états africains d’intervenir de manière coordonnée face aux risques et crimes en mer, notamment vis-à-vis des écosystèmes marins et côtiers et de la pollution plastique. Les dirigeants s’engagent ainsi à organiser un forum annuel des garde-côtes d’Afrique en collaboration avec les communautés économiques régionales et organisations intergouvernementales. Les états s’encouragent à faire mention de l’économie bleue durable et de l’importance de la mise en œuvre la Grande Muraille Bleue dans tous les forums internationaux . Prochaines étapes pour ces ministres: la semaine africaine sur le climat au mois de septembre à Nairobi, au Kenya, le Sommet sur les ambitions climatiques du Secrétaire général des Nations Unies en septembre et la COP 28 à Dubaï aux Emirats Arabes Unis du 30 novembre au 12 décembre prochain.