COP 22 : Vers l’arrivée décisive des Chefs D’Etat
Par Houmi Ahamed-Mikidache
Quelques jours après le début de négociations sur la mise en œuvre de l’accord de Paris adopté dans la capitale française, en 2015, et entré en vigueur le 4 novembre dernier, les chefs d’Etat de la planète se rendent à Marrakech pour marquer leur volonté d’agir. Mais, le chemin semble semer d’embûches. L’élection du président américain Donald Trump présente une certaine « incertitude » , selon le président Français, François Hollande. Cette élection a effectivement marqué les esprits des participants de la Conférence des Parties sur le Climat. Les Etats-Unis vont-ils annuler l’accord de Paris, comme l’avait annoncé le président élu américain lorsqu’il était candidat ? Et quelles sont les décisions prises par les négociateurs la semaine dernière ? Retour sur les points importants des négociations.
Par Houmi Ahamed-Mikidache
L’Accord de Paris est-il en danger ?
Depuis lundi 7 novembre, début des discussions, 109 pays couvrant 77% des émissions de gaz à effet de serre ont ratifié l’accord de Paris, tels que l’Australie et le Japon, le Botswana et le Burkina Faso. Mais que va devenir cet accord avec le « Brexit » américain ? L’accord de Paris est-il remis en cause ? Oui et non disent de nombreux observateurs. Les actions de mise en œuvre se poursuivront « Let’s wait and see », affirme en conférence de presse Patricia Espinoza, la Secrétaire Générale de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Elle dit avoir proposé au nouveau président élu de travailler avec lui sur les questions de changements climatiques. Pour le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération du Maroc, Salaheddine Mezouar l’élection de M. Trump à la présidence française n’est pas une menace : “ Nous devons faire confiance au peuple américain qui sont déterminés et fortement engagés à lutter contre les changements climatiques.»
Des réformes américaines sont-elles en vue ?
Fin octobre, l’administration américaine en charge de l’information sur l’énergie avait affirmé dans son dernier rapport que l’énergie solaire est la source d’énergie renouvelable la plus rapide et croissante aux Etats-Unis, et cela devrait continuer. Or, le site de campagne du candidat Trump, aujourd’hui président élu, précise que les actions du président Obama liées aux changements climatiques seront supprimées, notamment le « Clean Power Plan », le plan Obama pour le climat, la ratification de l’accord de Paris et l’agence pour l’environnement. Les raisons : ces actions sont jugées trop couteuses et peu efficaces. Le site toutefois précise que le candidat Trump soutient les énergies renouvelables, mais tient aussi compte des autres sources d’énergies comme les énergies fossiles. Le facteur rentabilité entrerait donc en jeu dans les décisions. Toutefois, plusieurs questions restent en suspends. Que vont devenir les dernières mesures de l’administration Obama ? Le fonds vert sera-t-il alimenté comme prévu ?
Quel place pour le prix du carbone dans la transition énergétique ? La Californie fait partie des pays intégrant la coalition sur un prix du carbone ( 27 acteurs initialement dont la France et l’Angleterre en font partie). Quel sera son positionnement pendant l’ère Trump ?
Quelles perspectives pour l’Afrique ?
Récemment, à Marrakech, l’Agence Américaine pour le développement international (USAID), à travers l’initiative américaine d’accès à l’énergie, Power Africa, a annoncé le versement d’une somme de 11 millions de dollars sur les 20 millions prévus consacrés au Fonds d’Energie durable de la Banque Africaine de développement (SEFA), un fonds crée par le Danemark, l’Angleterre, les Etats-Unis et l’Italie en 2012 et dépendant du département Energie, Environnement, Changements Climatiques de la BAD. Les Etats-Unis ont donc réaffirmé leur engagement auprès de ce Fonds. La BAD et Power Africa sont des partenaires stratégiques. En 2014, la BAD s’était engagée à investir 3 milliards de dollars pour soutenir les objectifs de Power Africa et permettre à l’Afrique d’avoir accès à l’électricité en 2025.
L’Initiative Africaine d’accès à l’énergie
Les actions pour atteindre les objectifs de l’Initiative Africaine d’accès à l’énergie se poursuivent. La veille de la COP 22, Ségolène Royal, Ministre de l’environnement et présidente de la COP 21, a signé une convention de partenariat entre la République française et la Banque Africaine de développement pour la mise en œuvre de l’Initiative.
Lancée en marge de la COP 21 l’an dernier, cette Initiative a pour ambition de permettre à l’Afrique d’atteindre 10 gigawatt d’énergies renouvelables en 2020 et 300 gigawatt en 2030. Mme Royal a présenté récemment une liste de 240 projets représentant une capacité renouvelable de plus de 45 GW , avec notamment 13 projets de géothermie, 58 projets d’hydroélectricité, 62 projets solaires ; 16 projets éoliens ; 35 projets combinant plusieurs technologies ; 4 stratégies nationales (solaire et éolien).
10 milliards de dollars ont été mobilisés par les bailleurs (Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Etats-Unis d’Amérique, Royaume-Uni, Union européenne, Suède, Pays-Bas) sous forme de promesse au mois de décembre dernier. D’après la présidence de la COP 21, un financement de 4,5 milliards d’euros a permis l’installation de 5,7 GW d’énergies renouvelables, en quelques mois.
Financement de l’adaptation
Objet de toutes les discussions pendant les négociations, mais aussi dans les side events, le financement de l’adaptation aux changements climatiques devrait être l’une des mesures phares de la mise en œuvre de l’accord de Paris. Lors de la COP 21, 11 donateurs dont les Etats-Unis ont même annoncé des contributions d’un montant total de 248 millions de dollars en faveur de l’adaptation :un financement destiné aux Pays les Moins Avancés. La COP 21 a aussi souligné la volonté d’intégrer le fonds d’adapation dans l’accord de Paris. La semaine dernière, des entrevues formelles et informelles ont eu lieu à Marrakesh dans ce sens. Mais, les pays développés n’approuveraient pas cette idée. Issu des accords de Marrakech et de Bonn en 2001, le fonds d’adaptation fait partie des trois fonds encadrés par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) créés la même année à Marrakech. Mais,
Faciliter les mécanismes de financement
La semaine dernière, les négociateurs se sont penchés sur la problématique des mécanismes de financement, notamment l’accès direct au financement venant du Fonds Pour l’Environnement Mondial et du Fonds Vert. Face aux procédures longues d’accès aux financements, les pays en voie de développement, notamment les pays insulaires ont plaidé par la voix de leurs négociateurs pour un accès direct aux financements. Lors d’un side event à Marrakech, le Fonds Vert a analysé ses avancées. A ce jour, ce Fonds a ne dispose que de 10 milliards de dollars de promesses et seuls environ 6 milliards sont disponibles. Or, il devrait être l’une des principale porte d’entrée du financement climat à obtenir à partir de 2020.
« Le Fonds Vert renforce les pays, libère leur potentiel et fait la promotion des capacités institutionnelles internes, » explique le co-président du conseil d’administration du Fonds Vert, le sud-africain Zaheer Fakir. Et d’ajouter : « Mais, peu de gens ne comprennent pas la transformation du fonds : sur 41 entités accréditées, 17 viennent des pays en développement du Rwanda, du Sénégal, des Petits Etats Insulaires, avec les mêmes procédures d’accès que les autres entités reconnues au niveau international telles que la Banque Mondiale, Le Fonds des Nations Unies Pour l’Environnement, le Fonds des Nations Unies pour le Développement. »
Quid des engagements du Fonds Vert
Lors de ce side event, le fonds a rappelé ses récents engagements : intégration du renforcement des capacités dans l’institution permettant aux pays en voie de développement de mieux accéder aux fonds, intégration du soutien des plans d’adaptation nationaux et de l’adaptation en général, et simplification des procédures de proposition de projets. Deux projets approuvés par le Conseil d’administration du Fonds Vert ont été aussi présentés. par deux agences accréditées : le Fonds d’investissement Environnemental de la Namibie et la Banque de Développement Inter-Américaine. Autres points importants abordés dans les négociations : l’accès au transfert des technologies, les pertes et dommages, la transparence, les mécanismes de marché. Plusieurs éléments juridiques et techniques sont en cours d’élaboration. Mais, selon la société civile, il existe de nombreuses contradictions dans les discussions.