Changement climatique : La Tunisie se prépare pour la COP 22
La Tunisie organisera au mois de septembre prochain une conférence sur la mise en œuvre des contributions nationales africaines . Cette conférence doit permettre d’identifier les besoins prioritaires des 54 états d’Afrique en amont de la prochaine conférence des Nations Unies sur le Climat à Marrakech (Maroc) prévue du 7 au 18 novembre 2016. Analyse du plan d’action national tunisien.
Par Najoua Hizaoui
Quels sont les engagements de la Tunisie ?
Dans sa contribution nationale, la Tunisie se propose de réduire ses émissions de Gaz à effet de serre dans tous les secteurs ( énergie, procédés industriels, agriculture, forêts, déchets) de manière à baisser son intensité carbone de 41% en 2030 par rapport à l’année de base 2010. L’effort d’atténuation provient plus particulièrement du secteur de l’énergie qui représente à lui seul 75% des réductions des émissions. Il est prévu que le secteur de l’énergie réduise son intensité carbone en 2030 de 46% par rapport à 2010, dans le cadre de la politique de transition énergétique préconiséé par l’Etat.
La Tunisie compte sur l’appui de la communauté internationale pour le financement, le renforcement des capacités, le transferts des technologiques. Les besoins additionnels totaux en financement pour l’atténuation et l’adaptation seraient ainsi de l’ordre de 20 milliards de dollars pour le financement des besoins en investissement et de renforcement des capacités. La mise en œuvre de la contribution tunisienne en matière d’atténuation nécessite la mobilisation d’importants moyens financiers estimés à environ 18 milliards de dollars pour la couverture des besoins d’investissements et le financement des programmes de renforcement des capacités. L’effort national nécessaire pour réaliser la contribution inconditionnelle de la Tunisie est estimé à presque 10% des besoins totaux en investissement dans l’atténuation. L’effort national concerne exclusivement le secteur de l’énergie, la part la plus importante des besoins en investissement.Les coûts des mesures indispensables pour l’adaptation s’élèvent à environ 2 milliards de dollars et devraient être supportés totalement par la communauté internationale dans le cadre de la lutte mondiale contre les changements climatiques. La Tunisie a préparé un portefeuille de mesures prioritaires visant l’adaptation de plusieurs secteurs clés . Il s’agit principalement d’investissements immatériels relatifs à l’appui et la vulgarisation de nouvelles pratiques (appui institutionnel, renforcement des capacités, recherche et développement…).
Quelle est la stratégie de la Tunisie ?
La Tunisie est particulièrement vulnérable aux effets des changements climatiques. Elle est exposée à une aridité importante, susceptible de s’accentuer durant les prochaines années sous l’effet des dérèglements climatiques. Dans ce contexte, ce pays du nord de l’Afrique s’est inscrit volontairement sur la voie d’un développement à faible intensité carbone et résilient aux changements climatiques. Plusieurs initiatives ont été ainsi conduites, à savoir la réalisation de divers travaux sur la transition énergétique, l’élaboration d’une stratégie sur les changements climatiques en 2012, la production d’un premier rapport biannuel en 2014, la préparation de la contribution nationale en 2015. Ainsi, dans la lutte contre le changement climatique, la Tunisie est considérée comme « un pays volontariste », au sein des pays en développement à revenus limités et intermédiaires.
Quels seront les secteurs les plus impactés par les changement climatiques d’ici 2030 ?
- L’eau
La disponibilité des ressources renouvelables en eau est de l’ordre de 385 m3 par an et par habitant. La Tunisie est en situation de stress hydrique. Cette situation va s’aggraver dans les années à venir sous l’effet du changement climatique, avec une baisse des ressources en eau conventionnelles estimée à environ 28% à l’horizon 2030. La diminution des eaux de surface avoisinerait 5% au même horizon.
- Le Littoral
L’élévation du niveau de la mer conduit à divers impacts socio-économiques directs et indirects. Conséquences : une perte de salinisation d’environ 50% des ressources actuellement disponibles dans les nappes côtières, une perte indirecte du potentiel de la superficie irrigable d’environ 38000 ha, à l’horizon 2050, soit 10% de la superficie irriguée actuelle. Autres répercussions : les pertes en capital productif engendrées par ces dégâts s’élèvent à environ 2 milliards de dollars dans l’hôtellerie et les infrastructures portuaires notamment. Les pertes en production annuelle sont estimées à environ 0,5% du PIB actuel, provenant essentiellement du tourisme (55%) et de l’agriculture (45%).
- L’Agriculture
Les sécheresses conséquentes aux changements climatiques affecteront les spéculations de la céréaliculture en pluvial, dont la superficie passerait de 1,5million d’hectare en moyenne actuellement à environ un million d’hectare en 2030, soit une baisse d’environ 30%.
Le PIB agricole, suite à la baisse des superficies accuserait une diminution de 5% à 10% en 2030.
En cas de sécheresse extrêmes successives, les superficies des cultures céréalières et d’arboriculture connaîtront une baisse respective d’environ 200.000 hectares et 800.000 hectares et concernent essentiellement les régions du centre et du sud. Enfin, l’effectif du cheptel baisserait d’environ 80% dans le centre et le sud, contre 20% dans le nord, par perte des parcours de pâturage.
- Le tourisme
Le secteur du tourisme dépend essentiellement de l’image balnéaire, ce qui implique essentiellement une sensibilité particulière au climat estival, à la montée du niveau de la mer et à l’érosion côtière. La situation de stress hydrique de la Tunisie aura des répercussions sur les aménagements touristiques en terme de coût d’exploitation et de sécurité sanitaire. En ce qui concerne l’érosion côtière, les pertes annuelle du secteur touristique, provenant du recul des plages causée par à l’élévation du niveau de la mer, sont estimées à environ 5% de la valeur ajoutée du secteur.
Les pertes d’emplois sont estimées à environ 36000 emplois essentiellement dans l’agriculture et le tourisme.
Comment le plan d’action national a-t-il été réalisé ?
La Tunisie a préparé un document synthétisant la Contribution Prévue Déterminée au niveau national ( CPDN), soumis lors de la conférence des parties de la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 21). Ce rapport s’est appuyé sur d’importants travaux de modélisation et de calcul des réductions des émissions dans les différents secteurs ainsi que d’identification, d’évaluation des mesures d’adaptation. Ce document a été réalisé sur la base de larges concertations entre les principales parties prenantes concernées par la problématique des changements climatiques en Tunisie, incluant les institutions publiques, le secteur privé et la société civile. L’élaboration de la contribution de la Tunisie a été largement basée sur des stratégies sectorielles et horizontales existantes, telle que la stratégie nationale sur les changements climatiques élaborée en 2012, la stratégie d’efficacité énergétique, le plan solaire tunisien et les stratégies d’adaptation des différents secteurs et domaines : le littoral, agriculture, l’eau, la santé, le tourisme…
Journaliste reporter au quotidien La Presse de Tunisie depuis 19 ans, Najoua Hizaoui travaille dans plusieurs domaines : la politique, les finances, l’économie, l’environnement. Elle a participé à plusieurs congrès et événements internationaux liés aux thèmes des femmes rurales, du tourisme, de l’économie, des changement climatiques…Dans le domaine de l’environnement, elle a participé à plusieurs séminaires en Allemagne, en Egypte, en Ethiopie, au Maroc et en Côte d’Ivoire. Najoua possède une licence en langue et littérature française obtenue à la faculté des sciences humaines et sociales de Tunis.
Journalist-reporter at the daily newspaper La Presse de Tunisie for about 19 years old, Najoua Hizaoui works in many fields : politic, finance, economy, environment. She has participated in many international events on rural women, tourism, economy and climate change. She attended environment seminars in Egypt, Germany, Ethiopia, Morocco and Ivory Coast. She has a bachelor in language and french literature obtained in the faculty of human and social sciences of Tunis.