Bénin- Erosion côtière :La population en alerte face aux promesses
Le Bénin, un des 38 pays côtiers d’Afrique fait face à l’érosion côtière due aux activités naturelles et humaines. Les changements climatiques accentuent ce phénomène naturel. Principales victimes : les populations riveraines. Reportage.
Par Hippolyte AGOSSOU
06-08-2017
Consternation
L’érosion côtière, résultat d’activités humaines et naturelles, accentuée par les dérèglements climatiques. La hausse de la température se fait sentir particulièrement dans les zones côtières d’Afrique, par, entre autres, l’élévation du niveau de la mer. Le quartier Jack de Cotonou , dans la capitale économique du Bénin, n’est pas épargné. Les habitants de ce quartier sont inquiets. « Depuis 2001, les politiques, à la veille d’élections, nous promettent d’entreprendre des projets de grande envergure, mais finalement lorsqu’ils arrivent au pouvoir, il n’y aucun résultat, » explique, Rachel, une habitante du quartier.
Rachel et ses voisins vivent quotidiennement sous la menace des vagues. Le niveau de la mer monte entraînant des dégâts et la peur est de plus en plus présente surtout la nuit. La population a en effet peur d’être envahie par les vagues. Le jour est source d’espoir. Difficile tout de même de garder son calme. « Combien de temps cette situation va-t-elle encore durer ? », s’interroge Awali, un étudiant du quartier. Et de poursuivre : « Depuis que je suis en seconde, des gens viennent recenser nos familles : il y a peine deux semaines, ils sont passés pour savoir ce que nous avons perdu et presque tous les jours des mesures de la plage sont effectuées près de notre domicile, mais au bout du rouleau rien n’avance, » conclut-il avec désolation.
Les drames
Suite aux marées d’avril 2016, le gouvernement de Patrice TALON s’est engagé à mobiliser des ressources pour la protection et la valorisation des zones côtières. Mais le quartier Jack est toujours en attente. Principal obstacle : les formalités administratives. Il existerait un problème de montage de dossier de passation des marchés au sein des Directions techniques du Ministère du cadre de vie. Mais cette information n’est pas confirmée par les autorités.
« Les appels offres sont lancés : les entreprises soumissionnaires sont attendues,» affirme récemment Adolphe Tohoundjo, Directeur de l’aménagement des berges et des côtes.
« Mon jeune frère a été emporté l’année dernière par les vagues, » explique Paul, un étudiant, vivant dans le quartier. Sa famille est traumatisée et demande de l’aide parce que les vagues sont de plus en plus violentes. « Nombreuses maisons ont été englouties par la mer et certaines écoles publiques du quartier vont bientôt disparaître : Il faut que le Gouvernement réagisse ! », exhorte le père de Paul, les larmes aux yeux.
Des faits prouvés par la science
L’érosion côtière devrait se poursuivre sur les rives de Cotonou. Selon l’étude de Pierre Ozer de l’Université de Liège, des quartiers de Cotonou auraient déjà disparu sur dix ans environ. Le chercheur, docteur en Sciences géographiques, spécialisé dans les processus de désertification, gestion des catastrophes, estime que les côtes de Cotonou avancent de 3 mm chaque année . Cette avancée de 3 mm par an pourrait avoir une incidence sur la nappe phréatique. L’eau douce à long terme pourrait être contaminée par l’eau salée et devenir impropre à la consommation. D’après le docteur en Sciences géographiques, spécialisé dans les processus de désertification, gestion des catastrophes, des dispositions doivent être prises pour limiter les dégâts liés aux effets des changements climatiques.
Les annonces
En 2016, le gouvernement de Patrice Talon annonce l’ouverture de l’embouchure du fleuve Mono dans la commune de Grand-Popo au sud-ouest du Bénin. Cette option a été identifiée comme une des solutions qui peut contribuer à atténuer l’élévation de la mer.
Le 14 juillet dernier, le ministre du cadre de vie, José Didier Tonato, lance officiellement la deuxième phase du projet de protection de la côte Est de Cotonou. Le financement de ce projet est assuré en partie par le gouvernement béninois et l’institution financière néerlandaise, Rabobank. Ce projet s’intègre dans le programme d’action du gouvernement béninois, 2016-2021. La première phase de ce projet a démarré en 2009 pour une durée de 36 mois et un coût global de 32, 5 milliards de francs CFA. Dans le cadre de la seconde phase du projet, de nombreuses personnalités se sont déplacées ainsi que des partenaires techniques et financiers, mais aussi des communautés riveraines. Les travaux issus de la seconde phase, estimés à 40 milliards de francs CFA, permettront d’assurer à moyen et long terme la protection total des 125 km de cote du Bénin. Ces travaux seraient aussi source d’emplois. Depuis, cette visite, les riverains comptent les jours et gardent espoir de voir aboutir ce projet tant attendu. Autre espoir, cette fois-ci, pour les décideurs de l’Afrique de l’Ouest: la collaboration régionale.
Pour une action concertée
Les grandes dispositions et les grands chantiers de protections des zones côtières togolaises doivent, selon les experts, faire l’objet d’une communication approfondie avec le Bénin, dans le cadre du programme de renforcement de la résilience des zones côtières en Afrique de l’Ouest notamment (WACA en anglais), un programme de développement d’initiatives de gestion côtière régionale et nationales, financé par la Banque Mondiale. Lors de la COP 21 à Paris en 2015, ce programme de renforcement de la résilience des zones côtières en Afrique de l’Ouest a été présenté avec un budget préliminaire de 450 million $US, dont 150 million $US proviendrait éventuellement des ressources de l’Association Internationale pour le Développement.
Au mois de mars dernier, durant la 12ème Conférence de La Convention d’Abidjan pour la Coopération en matière de Protection et de Développement du Milieu Marin et Côtier de la Région de l’Afrique de l’Ouest, du Centre et du Sud, le business plan pour le climat présenté lors de la COP 21, par la Banque Mondiale a été réactualisé par les trois plus grandes organisations multilatérales : la Banque Mondiale, le Fonds des Nations pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO en anglais) et la Banque Africaine de Développement.
Le business plan pour le climat consiste à apporter aux pays d’Afrique une assistance financière et technique pour faire face à l’impact des changements climatiques, dans le cadre de la mise en œuvre de leur contribution nationale, avec l’appui du fonds vert et du Fonds Pour l’Environnement Mondial. L’une des actions phares des organisations multilatérales est le développement de projets liés à l’économie océanique, présentés lors d’une conférence ministérielle africaine au mois de Septembre 2016, à l’île Maurice. Le programme WACA, inclus dans le business plan de la Banque Mondiale, prévoit d’allouer au Bénin 152 millions de dollars.
A propos d’Hippolyte Agossou
Né à Malanville au Bénin en 1985, Hippolyte AGOSSOU est un journaliste-géographe, spécialiste des questions d’environnement. Journaliste à E-télé, une chaîne de télévision commerciale du nord Bénin, il est aussi assistant de recherche au laboratoire d’aménagement des forêts et de biogéographie a l’Université d’Abomey calavi. Hippolyte est basé à Parakou, la plus grande ville du nord du Bénin. En 2015, il a participé au concours de reportage du PNUD Voice2Paris lors de la COP 21. Il bénéficie depuis un an et demi d’une formation à distance, dispensée par Eraenvironnement.com.
Born in Malanville in Benin in 1985, Hippolyte Agossou is a journalist geographer, with a specialization in environment. He is working for the Benin commercial TV E-Tele. He is a research assistant at the forest management and biogeography of the University of Abomey Calavi. Hippolyte is based in Parakou, the largest city of northern Benin. In 2015, he was part of the climate change contest reporting Voice2Paris organized by the UNDP ahead of COP 21. He is one of the online trainees of Eraenvironnement.com.