Les ONG multinationales, la RSE et le développement économique de l’Afrique

Thierry tene

Les ONG multinationales, la RSE et le développement économique de l’Afrique

Par Thierry Téné, Associé et Directeur de l’Institut Afrique RSE

Plainte contre le WWF

Le 6 janvier 2017 est une date historique pour les Principes Directeurs de l’OCDE, qui sont des recommandations des Gouvernements des 35 pays les industrialisés du monde, à l’attention des multinationales pour la prise en compte de la Responsabilité Sociétale (droits de l’Homme, environnement, intérêts des consommateurs, fiscalité, etc.).

Jusqu’à ce jour, ce sont les entreprises multinationales qui faisaient l’objet des plaintes des ONG pour non respect des Principes Directeurs de l’OCDE. Mais en ce début d’année, le Point de Contact National Suisse a jugé recevable la plainte de l’ONG britannique SURVIVAL contre l’ONG suisse WWF (Fonds Mondial pour la Nature). Dans sa plainte très documentée, SURVIVAL accuse WWF d’abuser des droits des pygmées BAKA du Cameroun au nom de la conservation de la nature.  Cette procédure auprès de l’OCDE met en exergue plusieurs problématiques en lien le développement économique de l’Afrique.

Les interrogations

Comme toutes les ONG représentées dans plusieurs pays, WWF (présente dans 80 pays) ne devrait-elle pas être aussi considérée comme une organisation multinationale qui devait justifier ses pratiques et actions ?

Elle finance d’ailleurs plusieurs programmes de conservation de la nature en Afrique. Ce qui a des répercussions non seulement sur la politique d’exploitation des ressources naturelles des Etats (source des ressources financières) mais aussi les conditions de vie des populations comme les pygmées qui vivent dans la forêt.

Jusqu’ici « donneuses » de leçons sur les questions sociales, environnementales, de droit de l’Homme et éthique, les ONG peuvent désormais se retrouver également au banc des accusées comme les Etats et les entreprises.

La RSE : la solution

Mais le plus surprenant dans cette saisie de l’OCDE est l’absence de marge de manœuvre du Gouvernement Camerounais alors qu’il s’agit de ses ressortissants, que les faits dénoncés se passent sur son territoire avec une implication de son armée et des éco-gardes financés par le WWF dans le cadre d’un partenariat avec l’Etat.

Face à la montée en puissance de la lutte contre le changement climatique (entrée en vigueur de  l’Accord Paris), du rôle croissant des ONG multinationales, de l’adoption des Objectifs de Développement Durable (ODD), de la signature des Principes de l’Equateur (prise en compte des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance pour tout investissement supérieur ou égal à 10 millions de dollars) par les institutions financières, les états africains ne peuvent plus envisager leur développement économique sans intégrer la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) .thierry_tene

La polémique autour de l’huile de palme est l’un des symboles de cette problématique. Entre les besoins pour la production des biocarburants, l’usage dans les industries agro-alimentaires, pharmaceutiques et cosmétiques et la forte consommation intérieure, la demande en huile de palme est énorme en Afrique. Au Cameroun le déficit en huile de palme est de 130 000 tonnes par an et de plus de 800 000 tonnes en Afrique de l’Ouest. Rien qu’en Côte d’Ivoire, près de 10 % des 23 millions d’ivoiriens vivent de cette filière.

Mais à l’instar de GREENPEACE, les ONG multinationales mènent une véritable campagne contre l’huile palme à cause de la déforestation. Le développement de 73 000 hectares d’huile de palme dans la région du Sud-Ouest du Cameroun par la société américaine Herakles Farms est confronté à une intense pression de GREENPEACE bien décidé a empêché sa réalisation.

L’Afrique doit agir

Si les africains continuent à laisser aux autres, le monopole des valeurs humanistes, écologiques, éthiques et sociales, ils paieront le prix fort. L’une des solutions est d’adopter des politiques publiques ambitieuses de Responsabilité Sociétale, de prôner l’exemplarité de l’Etat en matière de RSO et d’inciter les entreprises à mettre en œuvre la RSE.

Les entreprises minières, pétrolières, gazières, agricoles et forestières qui sont les plus exposées ont tout à gagner dans la mise en œuvre de stratégie RSE en Afrique. Tout en étant favorable à l’accueil des ONG multinationales, les africains devraient demander la transparence sur leurs sources de financements et le respect de l’équilibre entre l’équité sociale, la préservation de l’environnement et le développement économique dans tous les projets réalisés. Comme elles le demandent aux entreprises, les ONG doivent également mettre en place leur propre démarche de Responsabilité Sociétale.

*Thierry Téné, Associé et Directeur de l’Institut Afrique RSE

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Eraenvironnement.com est un site internet français fondé en 2013 par Houmikouloussoumi ( Houmi) Ahamed à Paris. Il diffuse des articles spécialisés autour du journalisme de solutions. Les mots Era et Environnement sont deux mots anglais et français. Il signifient ère(  traduction du mot anglais era) et Environnement (mot français). Era Environnement représente une ambition globale  d'impulser une nouvelle approche de l'éducation environnementale à travers le journalisme. Anciennement situé à Paris, Era Environnement était une association de loi 1901 créée en 2016. Elle a été dissoute en 2017.  Le site internet publie régulièrement  des analyses sur les actions de coopération sud-sud ainsi que les relations nord-sud. Il traite des  informations sud-nord liées à l'environnement. Il traite du changement climatique et des questions de développement durable. Fin 2018, Houmi Ahamed s'installe aux Comores, dans l'Océan Indien. S'inscrivant dans sa démarche de journalisme de solutions et d'éducation environnementale, elle dirige en 2019 Era Environnement SARL, une entreprise créée en 2018 dans l'archipel des Comores. Era Environnement SARL mène au mois de novembre 2019 un projet significatif dans petit état insulaire, marquée par de nombreuses crises politiques. Cette initiative innovante vise à former dix jeunes femmes issues de zones rurales et côtières . Le cœur du projet est de mettre en lumière des solutions concrètes face au changement climatique en valorisant les savoirs traditionnels comoriens. Un accent particulier est mis alors sur le village natal des parents de Houmi Ahamed, soulignant l'importance d'une approche communautaire et enracinée dans la culture locale pour l'éducation environnementale.  Ce projet se concrétise par la création d'une radio en ligne, radio Era Environnement. Avec le soutien de l'UNESCO, cette initiative illustre l'engagement d'Era Environnement pour des actions pratiques et basées sur l'implication des communautés dans la compréhension des enjeux environnementaux. Aujourd'hui, l'entreprise ERA ENVIRONNEMENT SARL n'existe plus aux Comores. Elle est en phase de restructuration en France. Son objectif actuel  est de mettre en œuvre de nouveaux projets qui intègrent spécifiquement la jeunesse, soulignant ainsi davantage son engagement envers les générations futures et le développement durable.

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