COP 30: l’esprit mutirão à l’épreuve
La première semaine de la Conférence des Parties (COP 30) à Belém s’est conclue sur un sentiment de déception. De nombreux groupes s’inquiètent de la lenteur des avancées sur des thèmes cruciaux et transversaux, notamment le financement. Pour la présidence brésilienne, il y a des avancées. Mais pour combler les blocages techniques, le Président de la COP a dévoilé samedi dernier une feuille de route pour la deuxième semaine. Son objectif: débloquer les dossiers par une implication ministérielle et l’accélération des travaux.
Une feuille de route avec trois axes d’accélération

Cette semaine, le Président de la COP, André Corrêa do Lago organise la suite des négociations autour de trois piliers principaux :
- Consultations ministérielles : Des réunions de haut niveau pour trouver une orientation politique sur les questions les plus controversées.
- Travaux techniques : Poursuite des discussions sur les points techniques en suspens
- Consultations de la Présidence : Discussions spécifiques sur les Contributions Déterminées au Niveau National (CDN), de l’Objectif Mondial en matière d’Adaptation (OMA), du financement au titre de l’Article 9.1 de l’Accord de Paris, et des Mesures Unilatérales Restrictives pour le Commerce (MURC)
Après l’adoption de l’agenda de la COP à l’ouverture, la présidence brésilienne a mis en place un système de consultations des partis. Mais les défis sont nombreux et le points de convergence sont difficiles à trouver. Dix ans après l’Accord de Paris, la question du financement se cristallise comme l’enjeu central.

« Les nations en développement ne peuvent pas se fier à des assurances vagues »
Face à la presse samedi, Dr Richard Muyungi, Président du Groupe des négociateurs africains (AGN), articule une exigence fondamentale vis-à-vis des pays développés. Pour garantir l’équité de la lutte climatique. Il insiste sur la nécessité d’« engagements clairs et concrets ». Il affirme que « les pays en développement ne peuvent pas se fier à des assurances vagues » concernant le financement.
Pour l’Afrique, le Président de l’AGN est catégorique : « l’Article 9.1 doit être pleinement mis en œuvre ». Il s’agit d’une « obligation, pas d’une option » inscrite dans l’Accord de Paris, rappelle-t-il. Ce respect est crucial pour l’adaptation.
Si ce financement garanti n’est pas fourni, le risque est que l’adaptation soit « remplacé par des prêts, laissant les pays vulnérables payer pour des impacts qu’ils n’ont pas causés » alors qu’ils ne sont pas à l’origine des changements climatiques, rappelle-t-il. Il précise enfin que si la mobilisation des ressources sous l’Article 9.3 est précieuse pour l’atténuation, elle « ne saurait se substituer à la fourniture garantie de financement requise par l’Article 9.1 », car de cette obligation dépendent « l’adaptation… tout comme la crédibilité de l’accord tout entier. »
Face aux contradictions
L’augmentation de l’ambition est l’autre goulot d’étranglement. La réévaluation des plans nationaux pose question. Le Brésil, hôte de la COP30, tente de débloquer cette impasse. La présidence de la COP appelle à l’« esprit mutirão » – la solidarité collective . Tous doivent contribuer au succès.
La position du Brésil en tant que pays hôte de la COP30 est perçue comme une ambiguïté stratégique qui fragilise son rôle de médiateur. En appelant à l’« esprit mutirão » (solidarité collective) et en insistant sur la protection de l’Amazonie, le Brésil se positionne comme le leader du Sud global capable de réconcilier les parties. Ce rôle exige qu’il soit au-dessus de la mêlée. Or la réalité pétrolière est tout autre rapporte des observateurs. Le Brésil a des plans pour augmenter la production pétrolière de son entreprise publique, Petrobras, notamment en explorant de nouvelles frontières près de l’embouchure de l’Amazone. Cette décision le place directement dans le camp des pays producteurs de fossiles .
La Dénonciation de l’Hypocrisie
Présent à la COP 30, l’activiste nigérian Nnimmo Bassey (HOMEF) met en lumière la déconnexion entre la rhétorique diplomatique et les actions concrètes. « Les politiciens sont hypocrites. Ils parlent à gauche et marchent à droite », relève-t-il lors d’un entretien accordé à Era Environnement.

Bassey rappelle aussi dans une conférence récente que la solution au changement climatique est simple. « Le véritable investissement n’est pas dans la conservation des combustibles fossiles dans le sol », fait-il remarquer. Il souligne que ces actions ont des conséquences directes sur la survie locale, en reliant la pollution aux fossiles à la sécurité alimentaire. Bassey établit un lien direct entre la pollution par les fossiles (pétrole et gaz) et la sécurité alimentaire. L’activiste nigérien souligne que l’échec à protéger les sols et l’eau a un coût bien plus fondamental et local que les gains économiques tirés du pétrole.« Si vous n’avez pas de sols sains, de masses d’eau saines, vous continuez de polluer avec du pétrole et du gaz, et alors bien sûr, vous ne pouvez pas avoir de nourriture saine, » démontre-t-il.
Comment élever le niveau d’ambition ?
L’élévation du niveau d’ambition des plans nationaux est un point épineux majeur. Parce qu’ elle repose sur la reconnaissance de la science et sur des actions immédiates. Mais elle fait face à des approches opposées et non conciliables. En apparence. Lors de la plénière samedi, l’Union Européenne (UE) dénonce la non-prise en compte des recommandations scientifiques par certains pays. Elle cible sans les nommer les pays producteurs de pétrole du Moyen-Orient comme la source du manque d’ambition, d’après certains observateurs.
Selon l’UE, les pays pétroliers doivent désormais contribuer financièrement et réévaluer leur ambition d’atténuation. Mais pour l’Irak, dirigeant le Groupe G77 + Chine, la question est vue différemment. Le Groupe met en avant le principe de la Responsabilité Commune mais Différenciée (RCMD) et la responsabilité historique du Nord. Le G77+Chine conteste la désapprobation du Fonds Vert à des alliés comme Oman. Il insiste sur le fait que l’accès au financement pour les pays en développement (PED) est un droit inconditionnel. Ce désaccord perpétuel entre l’application de la science et l’exécution des obligations financières maintient l’incertitude.
L’issue sera-t-elle positive?
C’est dans ce contexte de frictions persistantes et d’urgences croissantes que s’est conclue la semaine. Malgré les désaccords sur les modalités de financement et la responsabilité historique, l’urgence de l’action a été réaffirmée avec force.
D’après Simon Stiell, Secrétaire exécutif de la Convention des Nations, les négociateurs doivent relever ce défi par des résultats tangibles. « Cette semaine, nous avons de nouveau été rappelés que chacune de vos populations et économies a besoin que nous obtenions des résultats ici à Belém. Par les manifestants dans les rues. Par les tempêtes qui frappent tant de pays. Avec la perspective d’un monde plus chaud, plus pauvre et moins sain. Et de pertes humaines et économiques qu’aucune nation ne peut se permettre. Il n’y a tout simplement pas de temps à perdre. Alors, remettons-nous au travail, » conclut-il en salle plénière samedi.
Par Houmi Ahamed
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