Frugalité : La nouvelle stratégie d’investissement pour l’immobilier durable ?
Frugalité : La nouvelle stratégie d’investissement pour l’immobilier durable ?
Alors que le secteur de l’immobilier et de la construction est sous pression pour réduire son empreinte carbone, un mouvement en France propose une approche radicale : la frugalité. Loin d’être un frein, cette philosophie est en passe de devenir un modèle économique viable et rentable pour l’investissement et le développement immobilier. Les 6e Rencontres nationales de la Frugalité (Mouvement de la Frugalité Heureuse et Créative), organisées du 26 au 28 Septembre 2025 à Saint-Ouen, réunissent entre autres des professionnels pour explorer cette voie.

Face aux défis du secteur
La pression réglementaire (notamment l’interdiction progressive de louer les « passoires thermiques » – DPE F et G) et la volatilité des prix des matières premières forcent une réévaluation des méthodes de construction et de rénovation. L’approche de la frugalité met en avant la réutilisation et l’utilisation de matériaux locaux et biosourcés pour minimiser les risques et les coûts.
Simultanément, le marché de la rénovation énergétique est en pleine mutation. Face aux changements des dispositifs de soutien public, il est crucial de s’appuyer sur un écosystème financier complet. Cet écosystème permet aux investisseurs de financer leurs projets de rénovation durable, même en l’absence de subventions directes massives.
Le concept de « Financement Empilé » (Stacking Financing)
Le nouveau modèle d’investissement repose sur le concept de « financement empilé ». Son objectif : créer une synergie entre le financement de base, les prêts bonifiés, les primes privées et les leviers fiscaux. L’urgence de la rénovation énergétique se traduit par un marché de plusieurs milliards. Mais quels pourraient être les moyens pour parvenir ces objectifs climatiques ? D’après un récent rapport sur le financement climat, la France doit investir des centaines de milliards d’euros par an. Ceci doit se faire d’ici 2030. L ‘enjeu est colossal. 4,8 millions de « passoires thermiques » sont à rénover selon l’Observatoire National de la Rénovation Energétique (ONRE). Ce sont les logements classés F ou G.
Les trois piliers de l’écosystème pour les investisseurs
Cette approche stratégique s’articule autour de trois piliers principaux, dont la maîtrise devient une compétence clé pour maximiser la rentabilité :
1. Les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) : La prime privée
- Comment ça fonctionne ? Les CEE (Ministère de la Transition Écologique) sont un système de marché. Les « obligés » (fournisseurs d’énergie et de carburant) sont tenus de réaliser des économies d’énergie. Pour cela, ils versent des primes à ceux qui font des travaux de rénovation.
- L’Argument financier : L’effort financier total des obligés devrait se maintenir autour de 4 milliards d’euros en 2025 (5e période des CEE). Les primes sont généralement rapides à obtenir, significatives, et cumulables avec d’autres dispositifs, servant de premier coup de pouce financier.
2. Le Déficit Foncier : Le levier fiscal
- Comment ça fonctionne ? C’est un mécanisme purement fiscal (Code Général des Impôts), essentiel pour les propriétaires-bailleurs. Les travaux de rénovation sur un bien locatif peuvent être déduits des revenus fonciers. Si la somme des charges et travaux dépasse les revenus locatifs, le déficit ainsi créé peut être déduit du revenu global de l’investisseur, réduisant directement son impôt sur le revenu.
- L’Argument financier : C’est un argument de rentabilité directe pour les investisseurs fortement fiscalisés. En rénovant une « passoire thermique » avec des matériaux abordables et frugaux, l’investisseur réduit sa facture fiscale tout en augmentant la valeur locative de son bien, sans dépendre d’une subvention.
3. L’Éco-Prêt à Taux Zéro (éco-PTZ) : Le financement bonifié
- Comment ça fonctionne ? L’Éco-PTZ (France Rénov’) est un prêt accordé par les banques sans intérêt, dont le coût est pris en charge par l’État. Il peut financer les travaux de rénovation énergétique pour un montant pouvant aller jusqu’à 50 000 euros et est accessible aux propriétaires-bailleurs.
- L’Argument financier : Le principal attrait est le taux d’intérêt nul, avec une durée de remboursement pouvant atteindre 20 ans. Dans un contexte de taux d’intérêt élevés, un prêt de 50 000 € sans frais est un avantage considérable. Il sert à financer le « reste à charge » des travaux après déduction des CEE et d’autres primes.
La Frugalité, un accélérateur de rentabilité
L’approche de la frugalité vient renforcer le modèle financier. L’utilisation de matériaux moins coûteux (réemploi, biosourcés) réduit le coût total des travaux, diminuant ainsi le « reste à charge » à financer. Cela augmente mécaniquement l’effet de levier des CEE, du Déficit Foncier et de l’éco-PTZ.
L’éco-quartier de la Cartoucherie à Toulouse est souvent cité comme une référence en matière de développement urbain durable et de construction frugale, prouvant que cette approche est réalisable à grande échelle.
Par Houmi Ahamed
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